Rapport n° : 158/2025
Rapport sur : " Le développement durable de Te Moana Nui a Hiva, notre patrimoine marin, entre préservation et exploitation Quelle vision de la Polynésie française ? "
Commission :
Économie
Avis :
Rendu le :
14/05/2025
Rapporteur(s) :
Mme Mere TROUILLET
M. Patrick GALENON

 

Pour 85 % des Polynésiens consultés, les plastiques et déchets marins représentent la plus grande menace pour notre Océan.

92,6 % sont favorables à l’intégration du Rāhui pour le protéger.

 

La préservation du patrimoine marin polynésien dépend étroitement d’une gestion durable de l’océan Pacifique. Destiné à enrichir les débats du Sommet des Océans de 2025 (UNOC 3), le présent rapport du Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel (CESEC), met en lumière les enjeux économiques et culturels majeurs, ainsi que les opportunités offertes par une protection équilibrée de cet environnement maritime unique.

 

Te Moana Nui a Hiva symbolise l’océan Pacifique entourant les îles de la Polynésie française, perçu comme un patrimoine naturel et culturel essentiel à préserver. Cet océan, couvrant 165,25 millions de km² (32 % de la surface du globe) et représentant 50 % du volume océanique mondial, est vital pour l’identité et l’économie polynésiennes. Il abrite 30 000 îles, est relié à d’autres bassins et comprend le point le plus profond, le Challenger Deep, atteignant 11 034 mètres, soit bien plus que les 8 849 mètres de l’Everest. La Polynésie française, située dans le Pacifique Sud, joue un rôle clé dans la régulation climatique et la conservation des écosystèmes marins.

 

La Polynésie française, avec ses 119 îles réparties sur une ZEE de 5 millions de km², représente près de 50 % de la ZEE française et constitue un enjeu géopolitique majeur. Son immense espace maritime confère à la France un rôle géostratégique majeur face à la montée des tensions dans le Pacifique, où grandes puissances comme la Chine, les États-Unis et l’Inde renforcent leur présence.

 

Sur le plan environnemental, la pollution plastique affecte gravement l’océan Pacifique, avec 8 millions de tonnes de déchets déversés chaque année, contribuant à la formation du Great Pacific Garbage Patch (1,6 million de km²) et du vortex des déchets du Pacifique Sud (2,6 millions de km²). Le changement climatique exacerbe ces menaces, notamment à travers l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans et l’intensification des cyclones, menaçant les 84 atolls polynésiens. Face à ces défis, une gouvernance adaptée intégrant conservation marine, exploitation durable et préservation des savoirs ancestraux comme le Rāhui est essentielle.

 

Nā te mau Tiaki moana e ha’amau i te Rāhui : les gardiens de l’Océan mettront en place le Rāhui.

 

Il est impératif d’adopter une vision holistique et collective. Seule une fusion intelligente entre modernité et traditions, soutenue par une coopération régionale et internationale renforcée, permettra de créer un modèle de développement à la fois résilient et prospère. En mobilisant dès aujourd’hui les leviers identifiés, il est possible d’assurer un futur harmonieux pour les générations actuelles et futures, où la richesse des océans se conjugue avec la viabilité économique et le respect des équilibres naturels.

 

8 axes prioritaires

 

  1. Intégrer l’éducation maritime et l’engagement des jeunes dans la préservation des océans à travers le renforcement des Aires Marines Éducatives (AME) et la création d’un Lycée de la mer

     

L’éducation est un levier essentiel pour une gestion durable des océans. Les Aires Marines Éducatives sensibilisent les jeunes à la préservation des écosystèmes marins, tandis que la création d’un Lycée de la Mer offrirait des formations spécialisées dans les métiers marins, intégrant les sciences modernes et les savoirs traditionnels polynésiens comme le Rāhui. Ces initiatives concilient innovation et héritage culturel pour assurer une exploitation responsable des ressources marines.

 

  1. Interdire les DCP dérivants dans les eaux internationales

     

L’interdiction des DCP dérivants, déjà appliquée dans la ZEE polynésienne, devrait être étendue aux eaux internationales pour mieux protéger la biodiversité et réduire la pollution. L’objectif est d’assurer une gestion durable des ressources halieutiques et de préserver les écosystèmes marins pour les générations futures.

 

  1. Mettre en place une gestion intégrée des lagons et une loi “littoral” en Polynésie française 

     

Une loi « littoral » encadrerait notamment l’aménagement côtier et préserverait les ressources marines grâce à des normes strictes et une gestion inspirée du Rāhui. En organisant les espaces en conflit d’usage et en impliquant les communautés locales, ce modèle concilierait exploitation et protection, faisant de la Polynésie française un exemple de gouvernance équilibrée.

 

  1. Accélérer l’exploration et la recherche scientifique des fonds marins pour une gestion éclairée

     

L’exploration des grands fonds marins doit être renforcée pour une meilleure connaissance et protection de ces espaces. Une coopération internationale accrue et des études approfondies permettraient d’anticiper les impacts écologiques et économiques. Une gouvernance claire des ressources stratégiques assurerait la souveraineté de la Polynésie française face aux pressions extérieures.

 

  1. Renforcer la coopération régionale et internationale en matière de gestion marine

     

Une gestion collaborative des océans passe par l’harmonisation des normes et l’échange d’expertises pour renforcer la coopération régionale. La mutualisation des moyens de contrôle et de recherche, ainsi que le partage de données scientifiques, permettraient de mieux répondre aux défis de la pêche incontrôlée, de la pollution et de l’exploitation non régulée des ressources marines et des fonds marins.

 

  1. Sauvegarder l’océan Pacifique grâce au Rāhui, un outil révolutionnaire

     

Le Rāhui, cadre de gestion traditionnel polynésien, offre une solution efficace pour la régénération des ressources marines grâce à son approche adaptable. Son extension à l’échelle du Pacifique permettrait de préserver les écosystèmes menacés par la surpêche et le changement climatique. Reconnue comme une Aire Marine « à Préserver », cette méthode pourrait devenir un modèle mondial, conciliant protection et exploitation durable des océans.

 

  1. Accroître le soutien aux initiatives innovantes et durables, comme le Sea Water Air Conditioning (SWAC) et l’Énergie Thermique des Mers (ETM)

     

Le développement de ces technologies repose sur leur intégration aux infrastructures publiques, des incitations financières et une coopération scientifique renforcée. En les intégrant aux politiques énergétiques, la Polynésie française pourrait devenir un modèle d’innovation durable, alliant modernité, préservation environnementale et autonomie énergétique.

 

  1. Déployer rapidement des projets dédiés à l’adaptation des sociétés insulaires aux défis climatiques 

     

Il s’agit d’anticiper les impacts des canicules marines sur les écosystèmes, les populations insulaires et les secteurs clés comme la pêche et l’aquaculture. Cela repose sur une mobilisation internationale, des financements innovants et un cadre réglementaire adapté, intégrant la surveillance des températures océaniques, la régulation des activités maritimes et les savoirs ancestraux pour une préservation durable.